dernier entretien, Véronique Riches-Flores, économiste indépendante et présidente du cabinet de recherche RF Research, nous confiait son analyse de la crise du Covid-19 : l’ampleur du choc, les réponses des Banques Centrales, et ses conséquences possibles sur la mondialisation. Cette semaine, nous abordons cet échange sous l’angle des mesures adoptées par les gouvernements, du risque d’inflation et de l’impact de cette crise sur les comportements d’épargne.
Enfin, l’économiste nous livre ses conseils en matière d’investissement." />

« Il y aura une vraie problématique autour de l’épargne des ménages »

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Lors de notre dernier entretien, Véronique Riches-Flores, économiste indépendante et présidente du cabinet de recherche RF Research, nous confiait son analyse de la crise du Covid-19 : l’ampleur du choc, les réponses des Banques Centrales, et ses conséquences possibles sur la mondialisation. Cette semaine, nous abordons cet échange sous l’angle des mesures adoptées par les gouvernements, du risque d’inflation et de l’impact de cette crise sur les comportements d’épargne.
Enfin, l’économiste nous livre ses conseils en matière d’investissement.

Interview achevée de rédiger le 20 mai 2020 

QUELLE A ÉTÉ LA RÉPONSE DES GOUVERNEMENTS FACE À LA CRISE ?
Véronique Riches-Flores : La réponse a été un accroissement considérable des dépenses publiques. Dans un premier temps, ces dépenses ont été engagées pour répondre à l’urgence sanitaire. Il y avait d’énormes besoins en la matière, après des années de ralentissement des dépenses de santé dans la plupart des pays industrialisés.

Les gouvernements ont ensuite adopté des mesures de soutien aux acteurs économiques. Le but : sauver le maximum d’entreprises en leur permettant de traverser cette période difficile (allégement ou report de leurs charges, financement de la mise au chômage partiel des salariés…). Ce qui est assez intelligent. C’est la première fois qu’une telle politique est adoptée au niveau européen, sur le modèle allemand de 2009. Le principe : sauver l’emploi des entreprises pour leur permettre de repartir une fois la crise passée en évitant que le choc dégénère en une flambée du chômage aux effets durablement néfastes.

À ce jour, nous ne sommes pas encore à la mise en place d’un plan de relance. Les gouvernements gèrent l’urgence, à savoir : la crise sanitaire, le sauvetage des entreprises et la réduction du coût social avec des aides pour les ménages.

Ces dispositifs ont été mis en place dans la plupart des pays, sauf aux États-Unis. Les Américains sont restés dans la logique de leur modèle traditionnel, reconnu pour sa flexibilité. Ce système va peut-être poser question au moment de la reprise parce que les entreprises américaines n’ont pas eu ce choix de pouvoir maintenir leur force de travail en place et ont donc procédé à des licenciements massifs. Rappelons que l’économie américaine a détruit, entre mars et avril, autant d’emplois qu’elle en avait créés depuis 2009.

Au final, il y a encore beaucoup d’incertitudes sur le point bas conjoncturel. La dégradation économique a été profonde et supérieure à bien des anticipations des économistes.
LES ÉCONOMISTES NE CROIENT PAS AU RETOUR DE L’INFLATION. PARTAGEZ-VOUS CETTE ANALYSE ?
Véronique Riches-Flores : À court terme, cette crise adopte effectivement une tournure déflationniste et non pas inflationniste. Mais si les mesures de confinement et de distanciations sociales venaient à perdurer – pour éviter tout risque de seconde vague – alors l’hypothèse inflationniste ne pourrait être exclue. Le fonctionnement à marche réduite des centres de production que ce soit dans l’industrie ou l’agriculture, s’accompagne d’un risque de pénuries qui pourraient tirer les prix vers le haut.

À plus long terme, le scénario d’inflation se fera sur l’appréciation du choc d’offre et de demande. Tant qu’il n’y a pas de politique de relance digne de ce nom, susceptible de transformer les liquidités injectées par les banques centrales en hausses de salaires, le retour de l’inflation semble peu probable.
QUID DU TINA(1) (« THERE IS NO ALTERNATIVE ») ?
Véronique Riches-Flores : TINA a la vie dure ! Il explique le rebond boursier depuis la mi-mars. Les investisseurs se tournent encore vers les actions, faute d’alternatives d’investissement plus attrayantes. Pour que ce phénomène puisse perdurer, il faudra néanmoins que les perspectives économiques de moyen/long terme restent défendables. L’influence du pétrole est importante à ce titre. L’effondrement des cours de l’or noir ne va guère dans le sens de TINA. Les prix du pétrole reflètent les anticipations de la demande de matière première et jouent un rôle dominant sur les anticipations d’inflation. TINA aura du mal à perdurer avec des cours du pétrole durablement affaiblis.
PENSEZ-VOUS QUE LES FRANÇAIS VONT MODIFIER LEUR COMPORTEMENT D'ÉPARGNE À LA SUITE DE CETTE CRISE ?
Véronique Riches-Flores : Le risque existe effectivement que se développent des comportements de frilosité, que les ménages privilégient un plus haut niveau d’épargne ce qui correspondrait à une déperdition du potentiel de reprise économique.

Il y aura donc une vraie problématique autour de l’épargne des ménages. Elle a considérablement augmenté durant le confinement et il faudrait qu’elle puisse être mobilisée pour servir efficacement à la reprise. C’est l’un des défis majeurs des politiques économiques qui seront menées dans les prochains mois que d’être suffisamment claires et ambitieuses pour rassurer les ménages et permettre de retrouver des comportements d’épargne plus favorables à la croissance de la demande.
DANS CE CONTEXTE, QUELS CONSEILS DONNERIEZ-VOUS À UN INVESTISSEUR ?
Véronique Riches-Flores : Un épargnant doit avant tout veiller à la bonne adéquation entre son profil investisseur et son allocation d’actifs. À un investisseur relativement jeune (moins de 30 ans), qui investit à long terme pour sa retraite, nous avons quand même envie de lui conseiller de prendre un peu de risque, mais avec modération. Nous manquons encore de visibilité sur les marchés. Il est donc encore trop tôt pour pouvoir pondérer les risques et savoir dans quelles classes d’actifs investir. En tout cas, il peut être pertinent dans cette période et pour un tel profil d’épargnant, de commencer à réfléchir à prendre davantage de risque. Ensuite, tout dépendra des politiques économiques adoptées. En cas de politiques monétaires restrictives (hausses d’impôts…) le scénario de déflation latente qui prévalait avant la crise restera en place et peu de placements vaudront la peine d’être considérés, si ce n’est le foncier et l’or. L’immobilier, au travers des SCPI, a beaucoup été sollicité ces dernières années par les épargnants. Dans un environnement durablement instable, cette classe d’actifs n'est pas à privilégier dans les portefeuilles. L’immobilier risque en effet de souffrir des conséquences de la crise, notamment d’une baisse de la solvabilité des ménages et des entreprises.

En Bourse, les utilities (entreprises de services aux collectivités comme l’eau et l’électricité) offrent sans doute de meilleures perspectives structurelles que les industrielles mais ces secteurs restent chers quoi qu’il en soit. Je recommande donc la prudence à court terme.

(1) «There Is No Alternative » phénomène qui pousse les investisseurs vers les actions car l’obligataire rapporte peu compte tenu du contexte de taux bas. En d’autres termes, « il n’y a pas d’autres alternatives » que les actions. 

Mis à jour le 12/06/2020

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